Adeline Philippe exerce depuis 23 ans en tant qu’infirmière de bloc opératoire diplômée d’Etat (IBODE) au CHU de Besançon. Après avoir occupé pendant 4 ans la fonction d’infirmière (IDE), Adeline s’est rendu compte qu’elle était passionnée par le bloc et s’est orientée vers la spécialité IBODE. Elle nous parle aujourd’hui de ce métier captivant.
Qu’est-ce que le métier d’infirmière de bloc opératoire diplômé d’état ?
L’infirmier·e de bloc est un professionnel spécialisé au bloc opératoire. Il est garant de la qualité et de la sécurité des soins dispensés au patient pendant l’intervention. Il veille également au respect des règles d’hygiène. Selon la spécialité chirurgicale, ses missions s’articulent autour de trois rôles :
- instrumentiste, c’est-à-dire être habillé stérilement sur le champ opératoire, anticiper les temps opératoires et servir les instruments au chirurgien. Ce premier rôle est un rôle d’anticipation selon les besoins du chirurgien, avec une gestuelle et une technicité spécifiques.
- circulant, c’est l’infirmier(e) qui va faire le lien avec l’équipe chirurgicale stérile. Il est présent tout au long de l’intervention. Il s’occupe de l’environnement de la salle et participe à la gestion du matériel stérile. Il a un rôle primordial dans l’installation du patient et dans la traçabilité liée à l’intervention. En tant que circulant, l’IBODE a aussi un rôle d’encadrement, car il va accueillir les stagiaires, les internes et les externes en leur apprenant à se laver les mains, à s’habiller stérilement,
- aide opératoire, plus rarement pratiqué au CHU, ce rôle est souvent assuré par les internes et externes ; il est davantage développé dans les centres hospitaliers et les cliniques, mais fait partie de nos compétences.
Comment devient-on IBODE ?
Pour devenir IBODE, il existe 2 parcours différents :
- exercer pendant quelques temps la fonction d’infirmier de bloc opératoire (IBO) et se spécialiser par la suite (VAE ou Master). Me concernant, c’est ce que j’ai fait après avoir confirmé mon choix professionnel.
- aussi, la possibilité désormais d’enchainer l’école d’IBODE dans la continuité de l’école d’IDE.
Cette spécialité est également accessible aux IDE qui exercent la fonction d’IBO sans passer par l’école de spécialisation même si je trouve regrettable de ne pas approfondir l’univers du bloc opératoire.
Pouvez-vous nous raconter une journée type en tant qu’infirmière de bloc ?
La plupart du temps, lorsqu’on travaille au bloc, on a généralement des horaires de matin.
En arrivant entre 7h et 7h30, on commence à s’habiller en revêtant une tenue professionnelle prévue pour le bloc et on procède au lavage de mains. Notre première mission consiste à réaliser l’ouverture de la salle opératoire. On vérifie que toutes les conditions sont réunies pour faire entrer le patient : appareils fonctionnels, matériel nécessaire en place, bon fonctionnement de la ventilation…
Une fois que tout est opérationnel, on accueille le patient en faisant une check-list pour vérifier principalement l’identité du patient, ses antécédents, le type de l’intervention et les risques opératoires. Dès que le patient est endormi, on va le préparer, nettoyer sa peau, le sonder si besoin et puis s’organiser avec notre collègue pour définir le rôle d’instrumentiste et celui de circulante en fonction des compétences de chacune. Il y a certaines interventions qui ne peuvent être assurées que par des IBO(DE) expérimentées. Lorsque l’intervention est terminée, on raccompagne le patient aux soins intensifs ou en réanimation.
L’après-midi, l’équipe du matin peut être amenée à gérer les urgences mais également à effectuer d’autres tâches afférentes liées à l’activité du bloc comme la préparation des interventions du lendemain, la gestion des commandes de matériels et d’implants, le reconditionnement des instruments, la réalisation des visites pré-opératoires, etc.
L’équipe d’après-midi prend en charge le patient programmé pour une intervention chirurgicale et gère l’astreinte de la nuit.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’exercer ce métier ?
J’avais fait un stage en bloc que j’avais beaucoup aimé, c’était très différent des autres stages qui sont conventionnels. J’ai aimé la technicité et toute la pratique qu’on y retrouve.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Ce que j’aime dans ce métier, c’est accueillir un patient malade, et savoir qu’il repart la plupart du temps en meilleure santé. On travaille beaucoup sur la semaine et moins les week-ends, on a des astreintes… par rapport à ma vie personnelle, je trouvais que c’était un bon compromis.
J’aime la technicité du métier, mais j’aime aussi discuter avec les patients lors des visites et leur accueil en salle d’opération. Échanger avec eux quand ils sont encore réveillés est très important parce qu’ils ont généralement beaucoup de stress et d’appréhension.
J’apprécie aussi la notion de travail en équipe : au bloc, nous sommes entre cinq et dix, ensemble dans la même salle. Il faut aimer travailler à plusieurs contrairement par exemple à une infirmière libérale qui va exercer toute seule. Il y a aussi pas mal d’adrénaline et d’imprévus : c’est cette notion d’urgence et d’enjeu vital qui me plait beaucoup.
Quels sont les défis les plus courants auxquels vous êtes confrontés ?
Parfois, il y a des instrumentations un peu longues et pesantes qui peuvent durer entre 10 à 12 heures et physiquement, c’est un peu éprouvant. De temps en temps, il y a aussi des décès et c’est difficile évidemment, mais la plupart du temps les patients vont bien. Ce qui peut être difficile pour certains, ce sont parfois les irrégularités des horaires lorsqu’on travaille en astreinte par exemple.
Comment collaborez-vous avec les autres membres de l’équipe chirurgicale ?
Ce qui est sympa, c’est que l’on travaille toujours avec les chirurgiens, les médecins et infirmier(e)s anesthésistes, les internes, les perfusionnistes et les AS. Je trouve que le travail en équipe est assez riche.
Alors parfois, ça peut être aussi sujet de tension, mais en général, je trouve que c’est intéressant d’échanger tous ensemble, dans un esprit solidaire.
Pouvez-vous nous raconter un événement marquant dans votre carrière d’IBODE ?
Certaines interventions en chirurgie cardiaque peuvent être compliquées car des patients arrivent avec un pronostic vital engagé, ce qui implique une intervention dense et on ne sait pas s’ils vont s’en sortir malgré le nécessaire mis en place. Et finalement, on apprend deux jours plus tard qu’ils vont super bien et c’est ça qui est motivant !
Ce qui est marquant aussi c’est le fait de savoir que des élèves accueillis en stage postulent six mois plus tard parce qu’ils ont adoré cette expérience. Je trouve ça vraiment important de susciter des vocations chez les autres.
Pourquoi avez-vous choisi d’exercer votre métier au CHU de Besançon ?
Quand j’ai commencé à travailler, le contexte était complètement différent, il y avait une longue liste d’attente pour travailler au CHU et on était nombreux à postuler pour être reçu par ordre de positionnement selon notre classement. De mon côté, j’avais surtout aimé le réel potentiel technique du CHU, son côté innovant.
Je suis aussi « pro » hôpital public. Au CHU de Besançon, on accueille tout le monde et on opère tout le monde, quels que soient son statut et ses revenus. Selon moi, le soin et le business ne vont pas ensemble.
Quelles sont selon vous les principales qualités et responsabilités pour exercer ce métier ?
Je pense qu’il faut être rigoureux, organisé et avoir des compétences relationnelles. Quand le patient arrive, il est dans un état de stress très important et il faut savoir le rassurer avec des mots justes. Il faut être vive en tant qu’instrumentiste pour être réactive, mais en même temps calme pour ne pas affoler l’équipe chirurgicale. Malgré tout, je pense qu’il faut aussi avoir une certaine résistance physique, ne pas être trop émotive, s’affoler et/ou paniquer à la moindre urgence. C’est une histoire de dosage : savoir être vive à certains moments et posée à d’autres, tout en se faisant respecter.
Si vous deviez donner un conseil aux étudiants qui hésitent à devenir infirmier de bloc opératoire, quel serait-il ?
Je pense qu’il faut oser entrer au bloc. Sans stage d’une durée d’une semaine ou quinze jours minimum, on ne se rend pas compte de la richesse du travail au bloc. En venant découvrir le bloc, c’est là qu’on va vraiment se rendre compte si on est fait pour cet environnement et il ne faut pas hésiter à poser des questions aux professionnels.